Il peut être difficile de savoir quelle éducation donner aux enfants. Denis Marquet, philosophe et thérapeute, explique comment donner à vos enfants une éducation qui intègre l’autorité, l’amour et l’expérience.
Quelle est la meilleure façon pour un philosophe de s’intéresser à l’éducation ?
L’éducation est un thème philosophique majeur. Platon en parlait déjà. La philosophie s’intéresse à la formation de l’être humain et à son accomplissement, à savoir la sagesse. Il est fascinant de constater que les spécialistes de l’éducation sont aujourd’hui souvent des thérapeutes. La question est de savoir comment éviter ces dysfonctionnements dans l’éducation. Le bien-être psychologique de l’enfant et sa santé ne sont pas des choses qui nous intéressent. Il est absurde de considérer l’éducation sans considérer le premier.
Vous avez dit que le parent n’était pas au service de l’enfant, mais des objectifs de la société. L’éducation serait alors considérée comme une tâche sociale.
Les parents ont longtemps été les gardiens des valeurs sociales. Et ce, que l’objectif soit de faire de leurs enfants de bons citoyens à l’époque révolutionnaire ou des chrétiens à l’époque romaine. Nous vivons dans une société où les valeurs ne sont plus le point d’ancrage de notre société. Les parents se tournent vers la société pour obtenir des conseils sur la manière d’élever leurs enfants. Si nous reconnaissons que l’éducation concerne l’enfant, et la personne unique qu’il/elle est, cela peut être une grande opportunité.
Qu’est-ce qui vous fait croire que l’éducation est basée sur la transcendance ?
Sans transcendance, il est impossible d’éduquer. Il ne suffit pas de dire à un enfant qu’il doit suivre votre exemple. Vous ne pouvez pas dire à un enfant « tu dois obéir ». C’est le pouvoir à l’autorité, qui consiste à forcer quelqu’un à obéir parce qu’il croit que c’est mieux pour lui. Ce n’est pas de l’éducation si vous les forcez à obéir. Les parents sont souvent perdants dans cette situation.
Oui. Il ne suffit pas d’interdire. Une autorité arbitraire qui n’explique pas les règles est irrespectueuse de l’enfant. L’enfant doit être capable de comprendre les avantages de ce qu’on lui demande de faire, et de le faire parce que c’est ce qu’il veut.
A quoi ressemblerait un adulte s’il n’avait pas eu de parents autoritaires dans son enfance ?
L’enfant qui est élevé sans autorité n’apprend pas à résister à ses impulsions. Il devient anesthésié par le besoin de confort immédiat. Il n’est pas libre car il lui est impossible de remettre en question ses impulsions. Et il ne connaît pas l’épanouissement par l’effort. Un enfant qui dépend d’une trop grande autorité peut devenir un adulte dictatorial. Prenons l’exemple du nourrisson. Il est en totale dépendance et c’est une frustration inacceptable. Pour l’aider à accepter ses frustrations, nous devons être attentifs à ses besoins.
Quels sont les facteurs qui font de l’éducation un endroit heureux ?
Il est important que les parents prennent conscience que l’éducation est un processus continu. Ils doivent permettre à leurs enfants de les transformer. Les parents doivent réaliser que le conditionnement n’est pas leur travail. Les parents doivent être ouverts à la possibilité d’une nouvelle personne qui ne leur ressemble pas, ne sait rien, ne répète rien et ne ressemble qu’à eux-mêmes. Cet être aimé et désiré doit être respecté par les parents. C’est la base sur laquelle un enfant peut construire sa propre vérité sans la perdre.
Pourquoi l’éducation est-elle basée sur l’impermanence
Chaque enfant étant différent, une seule méthode d’éducation ne peut être utilisée pour tous les enfants. Chaque parent doit être capable de sentir et de ressentir l’enfant. Les actions suivront si les sentiments sont justes. Il est impossible de croire ce qui est vrai dans un endroit à un moment donné dans un autre. Cette impermanence rend l’éducation incompatible avec le statut d’expert.
Devons-nous attendre quelque chose de nos enfants ?
Il y a une énorme différence entre les pères et les mères. L’archétype de la mère est l’accueil inconditionnel. En revanche, le père dira : « Qui que tu sois, sois-le ». Ce n’est pas une déclaration exigeante, mais elle ne s’accompagne d’aucune attente. Les parents veulent entendre le mystère.
Comment échapper à la dépendance ?
Il n’est pas certain qu’il y ait une dépendance à l’égard des enfants. C’est en fait le contraire à la naissance. Il est secondaire pour les parents de dépendre de leurs enfants, et cela devrait concerner la mère, car la vie de l’enfant dépend d’elle. Elle peut se sentir investie d’un pouvoir. Au fur et à mesure que l’enfant grandit, son sentiment de pouvoir diminue. Si la mère refuse de l’accepter, cela créera un problème.
Qu’est-ce que cela signifie d’être un couple parental ?
Un couple parental n’est pas la même chose qu’un couple amoureux. Un homme et une femme doivent se séparer de leurs relations amoureuses homme/femme afin d’être père et mère pour leur enfant. Il est faux de penser qu’un enfant sera heureux si ses parents s’aiment. Même si les parents sont divorcés, un couple parental solide est un couple qui s’engage pour le bien-être de l’enfant.
Quels sont les piliers de l’éducation ?
Le respect et la confiance. Le respect est la conscience des limites entre soi et les autres. Le respect est le fondement de tout comportement. Cette conscience n’est pas quelque chose qu’un enfant peut acquérir par lui-même. Elle doit lui être enseignée, ce qui exige le respect des parents. Parce que sa sphère n’est pas en contact direct avec celle de l’enfant, le père est plus conscient de cette limite. Or, pendant neuf mois, l’enfant a été dans la sphère de sa mère. Le père a un rôle important. Le respect est le fondement de la confiance. Celle-ci est essentielle pour l’éducation car elle donne à l’enfant la confiance dans sa capacité à accepter l’autorité et à faire ce qui est demandé. L’autorité devient naturelle lorsque la confiance règne.